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Edito


Il est difficile de présenter Pierre Faa à quelqu’un qui ne connaîtrait pas sa musique, tant son travail de musicien est difficile à capturer dans le monde de la fast pop. Auteur en solo de deux albums aux mélodies rêveuses, tête pensante de Peppermoon et arrangeur/producteur pour quelques muses pop et folk, sa générosité créative se retrouve sur la collection de 12 ep que Pierre s’apprête à dévoiler tout au long de l’année 2018. Une collection élégante de chansons pop, torch songs et autres réminiscences d’Asie qui nous arriverons comme des cartes postales à l’ancienne, sensibles contes au fond de nos oreilles. Ne vous laissez pas impressionner, la poésie de Pierre ne nous veut que du bien..

ENTRETIEN ET PHOTOS:  NICOLAS VIDAL 

La première fois que j’ai entendu parler de toi, c’est avec le groupe Peppermoon. Etait-ce ton premier projet musical ?
Le premier concrétisé. Avant ça, j’ai fait pas mal de petits concerts à Paris, un peu en dilettante. Des artistes m’ont pris des chansons ou des textes, comme Buzy, Mathieu Johann et Akim El Sikameya. C’était des signaux encourageants. Peppermoon m’a permis de cristalliser un ensemble de chansons, de développer un univers.

As-tu crée Peppermoon dans le but de faire chanter Iris ?
C’est plutôt la rencontre fortuite entre une voix pure, très fraîche, et des chansons qui trouvaient là un éclairage intéressant. Un genre de «french kawaii» entre Hardy, Birkin, Jeanette, Claudine Longet... L’idée du groupe est venue après nos premières démos, au printemps 2006. J’assurais la cohésion musicale avec quelques apports extérieurs, dont un texte de Ludovic Perrin («Gaspillées») et quelques mélodies de notre guitariste Benoît Pillon. Dans les deux prochains albums, il y a plus de compositeurs invités, d’où l’appellation «Peppermoon & Friends».

Il y a un côté sucré dans les 3 albums et les 2 ep de Peppermoon qu’on retrouve moins sur tes albums solos.
Un tri se fait tout seul entre les compos qui vont mieux à Iris ou à moi. Elle est plus vive, je suis plus nostalgique et contemplatif. Ça s’équilibre. Et puis quel serait l’intérêt de faire la même chose en solo ? 

En 2011, sort ton premier album «L’avenir n’est plus comme avant», produit par Jay Alansky. Comment s’est fait la rencontre?
Buzy m’a présenté Jay, il est venu nous voir en concert, et il m’a dit que je devais chanter davantage. Peut-être qu’il avait déjà beaucoup donné à des chanteuses, et qu’un travail avec un garçon le changeait un peu... On est donc partis ensemble sur un projet parallèle au groupe. Avec l’implication qui le caractérise, il a trié parmi 80 chansons que j’avais, tantôt très arrangées ou juste bricolées en vitesse.

Jay Alansky est connu pour ses productions pour Lio ou Jil Caplan, entre autres. Qu’est ce qui te plaisait dans son travail ?
Quand je l’ai rencontré, Jay avait déjà bifurqué vers l’électro avec le projet A Reminiscent Drive. J’adore sa façon d’être toujours sur la brèche, en éveil, à la fois dans le son et le sens, dans la qualité de l’intention. Il est à la fois très cultivé et très spontané. Ça se sent aussi dans ses films, ses photos et ses romans. Ces mois dans son Pink Studio, peint en rose indien, rempli de vinyles et d’instruments, restent un sommet pour moi. Jay est d’une générosité littéralement extraordinaire. On a bu des océans de bon thé, dans les vapeurs d’encens, on a beaucoup ri aussi. Il me semble que cette liberté absolue, que ces beaux moments illuminent les chansons, de l’intérieur. Je pense que des gens continueront à découvrir cet album, au fil du temps, pour toutes les belles choses que Jay y a mis.

Tu as ensuite produit toi même les projets sur lesquels tu as travaillé. Pour quelles raisons ?
À la fois une réalité économique et l’envie d’apprendre, d’aller chercher plus loin en soi-même - dans la musique comme dans les visuels, que j’aime concevoir en parallèle.

«Gingko Biloba» est sorti en 2014. As-tu senti une évolution dans ton travail ?
La musique est plus up-tempo et les sujets plus variés. «Statues qui dansent», c’est sur notre capacité au changement... «Porte» est une rêverie surréaliste à la Magritte... «Ginkgo Biloba», c’est ma rencontre du Japon, première escale en Asie...


 

Parallèlement, tu as beaucoup travaillé avec des chanteuses en A, Elsa (Kopf), Emma (Solal), Erica (Buettner), Elisa (Point)...
Avec Egon Kragel aussi, donc des artistes en E ! Chacun de ces albums a élargi ma vision, en visitant d’autres imaginaires. J’adore enregistrer Erica, l’intelligence de sa voix me fait du bien. Je me souviendrai toujours de l’après-midi où elle m’a joué «True Love and Water» la première fois, c’était bouleversant. Sur les chansons d’Egon, leur étrangeté, leur profondeur m’ont emmené vers des sons que je n’aurais pas utilisés ailleurs - par exemple sur «Dawn Stealer Boy». Avec Elsa, j’ai progressé en tant qu’arrangeur, j’ai quelques fiertés comme «Sous la pluie», «Idéal Estérel» et «Sugar Roses». Avec Elisa Point, c’était avant tout une leçon d’écriture. L’album s’est créé très vite, puis s’est enregistré lentement, en pointillés... Avec Emma, c’est encore d’autres images à partager, une autre couleur vocale - je crois qu’on a bien réussi quelques balades mélancoliques.

Tu tournes également beaucoup en Asie. Comment est-ce arrivé ?
La chanson «Les petits miroirs» est d’abord parue sur une compile hollandaise, qui nous a donné une petite exposition... Quand l’album a été finalisé, j’ai reçu (via MySpace) des propositions de licence de labels de Taiwan, de Chine, de Corée et du Japon. Ça s’est passé naturellement, à l’inverse de la France, où le seul point positif a été notre press book! À Taiwan, on a vu des files de gens qui achetaient «Nos Ballades», et les 3 albums ont été dans le Top 5 international. Dernièrement, avec Elsa, c’est la Corée qui nous a fait vivre de belles aventures. Je n’ai pas fait fortune, mais quel trésor de rencontres et de paysages ! Rentrer à Paris est toujours un déchirement. Je suis en train d’écrire un album avec Sina, une chanteuse coréenne dont j’adore les mélodies. J’ai un projet avec le groupe Via Trio, un truc un peu Shellerien avec piano, violon, violoncelle et hae-geum (le violon coréen), qui va être pour la 1ere fois sur de la chanson francophone. Et aussi un autre projet plus expérimental avec le japonais Kota Yamori.

D’où est venue l’idée de sortir 12 Ep tout au long de l’année 2018?
J’ai beaucoup écrit depuis trois ans, mais un quadruple album serait indigeste et suicidaire. En dévoilant les choses petit à petit, via l’abonnement Patreon, ça rend le tout plus abordable. Ensuite, je résumerai peut-être ce travail dans le format album, avec une promo plus traditionnelle.

Cette collection de chansons donne l’impression d’être plus personnelle ?
La seule bonne raison de verser encore quelques chansons dans l’océan musical, c’est d’y mettre une vérité. Sinon, à quoi bon prétendre à être écouté ? C’est le fond, la sincérité qui fait qu’une chanson peut être émouvante, au travers des modes sonores. Alors oui, il y a des portraits d’amis, des dates, des cicatrices, des avenirs... C’est une grande malle où l’on peut fouiller. Musicalement, j’espère que c’est assez généreux. Il y a du «field recording» dans des jardins de Kyoto, quelques claviers rares joués par Michael Wookey, deux guitaristes, de l’autoharpe, de l’Omnichord... des babioles instrumentales... Au fil des morceaux, je veux que les gens aient du choix, et qu’ils passent d’un monde à l’autre comme autrefois sur les super 45 tours de Marie Laforêt. Quand l’angle de production est trop serré, ça m’oppresse, j’ai juste envie de trouver la sortie ! Moi qui vis beaucoup dans ma bulle, j’aime que la musique soit très ouverte : c’est ma porte sur le monde, c’est par là que je respire.

Tori Amos- « Quand on est pianiste, il est difficile de ne pas l’aimer. Sa force créatrice est indiscutable. Il y a son style mélodique, très fort, mais aussi la richesse des textes, qui brassent à la fois des symboles ésotériques, mythologiques, et la culture pop américaine - donc un monde assez différent de son aînée Kate Bush. Quand on la voit sur scène, on se sent porteur d’une flamme. C’est elle qui m’a provoqué les sensations les plus puissantes à l’écoute d’une musique pop. »

Ma Playlist...

LIVRES - «Les livres fondamentaux de la pensée chinoise de Lao Tseu et Lie Tseu me parlent depuis l’adolescence, comme l’astrologie. La recherche de la voie du milieu, une forme de détachement de la mondanité... J’aime aussi Sagan car elle surplombe tout, comme un entomologiste qui regarde ce qu’il se passe avec un œil tendre et amusé. La jouissance des mots et la vigueur du langage chez Nabokov sont magistrales. Je le relis sans m’en lasser, surtout ses nouvelles. J’ai découvert Max Dorra par hasard et il m’emmène dans ses libres pensées, sa philosophie empreinte d’analyse. Je le trouve très inspirant, émouvant et fin. Je ne suis pas très beat generation, mais j’adore les haïkus de Kerouac, leur esthétique américaine qui prouve que cette forme de poésie peut voyager, avec une puissance énorme.»

PHOTOS-PEINTURES- « J’aime tout Paul Klee, les couleurs, les lignes, les formes, la moindre nuance me parle. J’adore ses aquarelles marocaines. J’aime les haïkus photographiques de Rinko Kawauchi, un petit ricochet pour l’œil, qui ouvre sur une rêverie, dans des couleurs claires mais vives. Elle montre bien le Japon du quotidien. Et j’aime aussi beaucoup le peintre et dessinateur Yuichi Yokoyama. Il provoque un sentiment d’étrangeté malgré un trait enfantin mais très inquiétant. Je trouve ça plus inspirant que d’écouter de la chanson française.»

Disques- «J’aime Sheller, sa musique, ses harmonies, les couleurs, l’art de glisser les choses importantes mine de rien, les possibilités de vie qui sont offertes au détour d’une phrase. Les textes de Sam Phillips, ses phrases généreuses comme des «koan» qui vous restent en tête et finissent par provoquer un déclic. Le langage musical de David Sylvian qui échappe à tous les canons, sa poésie qui cherche la grâce poignante de la vie. Et Debussy par Claude Arrau... On entend sa respiration, le poudré, la manière de creuser les notes - mon premier enseignement musical. »

Jane Birkin- « Ma date de naissance, c’est le jour de Jane et l’année de Charlotte ! Quand j’étais ado, dans mon isolement, c’était ma famille mentale. Cet album est pour moi l’apothéose de la collaboration Gainsbourg/Birkin, dans les arrangements, les sons. J’aime beaucoup le côté patchwork, avec d’un côté des chansons très légères, et d’autres qui témoignent de l’amour de Gainsbourg pour la poésie («Le velours des vierges», «Exercice en forme de Z»). On l’écoutait beaucoup pendant les cours de dessin, au lycée, ça me rappelle aussi cette légèreté. »

FILMS- « J’adore «Ed Wood», avec ce vieux Bela Lugosi attendrissant, sa décrépitude mille fois plus touchante que bien des triomphes clinquants. J’adore «Orphée» de Cocteau, la voix de Jean Marais, les phrases poétiques dictées par la voiture, la traversée du miroir... J’ai découvert Pierre Etaix très tard et j’ai trouvé ça tellement gracieux, poétique, élégant, délicieusement à côté de son temps. Et puis la musique de Yoyo s’accroche si bien aux images...

FILMS- « Je me sens moi même assez extra-terrestre, très très anti-conventionnel, et d’ailleurs je ne supporterais pas d’être un rebelle «officiel» bien visible et lisible... Je me sens souvent aussi étranger que Bowie dans le film, et ça depuis l’enfance. Et puis j’adore la science fiction, cette sortie de l’ordinaire, et les questions que ça permet... Il n’y a plus de Terra Incognita sur notre planète, alors pour rêver d’ailleurs, on regarde vers les étoiles. » »

Michael Wookey

« J’entends dans sa musique un parfait équilibre d’énergie et de sensibilité, de tension et de nuances. Son prochain album est d’une richesse incroyable… J’ai lu à son sujet des comparaisons avec Patrick Watson, en ce qui me concerne la musique de Michael me touche davantage. Je l’ai vu deux fois sur scène, à chaque fois c’est un moment fort. Il est plus incarné, physique et concentré que moi, je crois que ça fait partie de ce que j’admire. Sur 4 de mes nouveaux morceaux, il a bien voulu ajouter quelques couleurs instrumentales : de l’optigan, du marxophone, ou même une idée de guitare acoustique toute simple mais très touchante. J’ai envie d’écrire en français pour lui, un jour, on verra… »

Ton idole teenage
Serge Gainsbourg,époque
58-78


Ta  chanteuse Teenage
Jane Birkin, Kate Bush,
Catherine Ringer, Sanson,
Suzanne Vega


Ton chanteur teenage
Nik Kershaw, Sheller,
Talk Talk, Depeche Mode


Ton acteur teenage
Je ne prétais aucune
attention aux acteurs


Ton actrice teenage
Jane Birkin & Charlotte

Ton crush teenage
Ryuchi Sakamoto
(j’ai compris plus tard)

Ton idole actuelle
Quelqu’un qui détruirait le concept d’idole

Ta chanteuse actuelle
Susanne Abbuehl, Tori Amos,
Sam Phillips


Ton chanteur actuel
Takagi Masakatsu, Oren Lavie,Warhaus

Ton acteur actuel
Paul Dano

Ton actrice actuelle
Anne Dorval,Jeanne Balibar

Ton crush actuel
Nakhane

Un portrait chinois de Pierre Faa à travers ses idoles teenage et celles d’aujourd’hui.

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