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Cela fait quelques années qu’une fièvre italienne s’est emparée de la pop française, et on ne compte plus les artistes d’ici qui font un pas de côté en ajoutant un peu de Chianti dans leur Côte du Rhône, souvent pour le meilleur : Christine & The Queens, Vanessa Paradis, Alexia Gredy, Lonny et bien entendu Alex Rossi qui a remis en avant l’Italo Disco chère aux années 80 en s’emparant des dancefloors. 

Mais ont émergé également sur la scène pop indé quelques nouveaux représentants transalpins qui ont fait de Paris leur nouveau nid musical : Andrea Lazlo De Simone, Edoardo Florio Di Grazia, Alessio Peck ou Roberto Cicogna qui a sorti son premier album sous son vrai nom, « Saluti Da Parì », après une poignée d’EP sous son avatar Oh Pilot. « J’ai impression qu’Andrea Lazlo De Simone a ouvert une brèche pour les chanteurs indé italiens en France. Il y a un intérêt, même si c’est une niche. Dans mes concerts au moment de Oh Pilot, j’avais ajouté quelques titres en italien, et je sentais bien que ça plaisait. Et les gens de la musique m’ont aussi poussé à le faire, même si ce n’était pas la raison initiale de mon changement. Je vis en France depuis longtemps mais je chantais déjà dans une langue étrangère donc ce n’était pas non plus radical. »

Le chanteur milanais qui a épousé dans son album une certaine légèreté up tempo qui s’inspire d’un certain classicisme italien n’était pourtant pas au départ un fervent défenseur de la chanson de son pays : « J’ai découvert la musique italienne un peu en retard. Pendant des années, je n’ai écouté que de la musique anglophone : Nirvana, la scène de Seattle, les Beatles… Mes parents ne m’ont pas transmis le goût de la musique italienne alors qu’ils en ont toujours écouté. Mais petit à petit, j’ai pu faire des liens entre la pop et le rock que j’ai écouté pendant des années avec des artistes comme Lucio Dalla. « Mambo », mon morceau préféré de lui, est très influencé par un groupe comme Supertramp. Dans les années 70, la chanson italienne était reliée à une certaine sensibilité pop : Lucio Dalla, Paolo Conte ou Adriano Celentano étaient plus pop dans l’approche que les groupes actuels ou ceux des années 90, et donc plus exportables à l’étranger. »

Il faut dire que pendant des années, la pop italienne s’est imposée dans les transistors européens, et notamment français, autant pour la qualité de son songwriting (Adriano Celentano, Paolo Conte, Luigi Tenco…) que pour ses tubes populaires (Eros Rammazoti, Ricchi e Roveri, Toto Cutugno…), laissant finalement dans l’inconscient collectif, notamment français, certains clichés à la peau dure : « Le cliché peut être une porte d’entrée. Quand j’ai écrit ce disque, dans un titre comme « Solo in un caffé » par exemple, j’ai pensé à des artistes qui ont une certaine renommée en France mais qui sont vraiment très italiens dans l’esprit, comme Paolo Conte ou Lucio Dalla. Cette chanson, même un français qui ne parle pas italien peut quand même comprendre un peu de quoi je parle. »

 

Et c’est vrai que sur ce premier disque dans sa langue maternelle, on sent chez Roberto une manière légèrement différente chanter, de placer sa voix, et des sentiments peut être plus exacerbés : « J’ai eu du mal à trouver ma voix italienne qui est différente de celle que j’avais pour Oh Pilot. C’est vraiment moi, mais j’ai du trouver le masque qui allait porter cette voix. J’ai décidé de changer de langue et de nom pour des raisons personnelles, de passer de l’anglais de mon précédent projet Oh Pilot à ma langue maternelle sans vraiment y réfléchir. J’avais envie d’avoir une certaine reconnaissance dans mon pays aussi, j’avais envie qu’on entende ma voix en italien. » 

Et cette voix sonne pour nous de manière exotique, mais ramène paradoxalement une certaine proximité, une clarté que l’on avait moins senti sur son précédent projet, et qui touche directement au coeur sur des titres comme « L’isola di Matteo ». « Je pense que c’est très bien d’avoir des influences anglo saxonnes et de les traduire dans sa propre langue. L’anglais c’est très bien pour faire ses gammes dans le son ou dans les sonorités d’un texte, mais le sens est souvent plus profond dans sa propre langue. C’est la même chose pour les artistes français en Italie. Au delà de la qualité de la musique. Par exemple, je me souviens d’une chanson de La Femme, « Sur la planche », qui avait eu un petit succès indé en Italie, même si le sens de la chanson n’était pas perceptible par les italiens. Mais la mélodie et la sonorité des mots fonctionnaient quand même. L’ambiance de la chanson marche souvent plus à l’étranger que le sens.»

Il est vrai que la France et l’Italie sont des pays très cousins et assez semblables sur beaucoup de choses, et Roberto qui s’exprime dans un français parfait, aurait tout aussi bien pu chanter ses atermoiements pop dans la langue de Brassens : « Passer à l’italien, c’était déjà délicat pour moi. Donc passer directement en français était compliqué. Mais là, pour le prochain album, j’essaie d’écrire en français. Je ne sais pas si ce sera réellement le cas, mais j’y pense fortement. J’ai écrit en français pour d’autres artistes, sur un projet destiné au marché international. Le projet a bien marché en Europe de l’Est, mais ce n’était pas un projet que j’avais fait pour moi, alors qu’on a eu des disques de platine avec ce projet auquel participait aussi Niki Demiller et Colin Buffet. »

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Ce premier album en italien remet peut-être les pendules à l’heure pour Roberto, expatrié depuis une dizaine d’année mais fortement bien implanté dans le paysage pop indé parisien, lui qui est accompagné par une poignée de musiciens qui jouent dans quelques uns des projets les plus excitants en matière de French pop : « C’est vrai que j’ai la chance d’être accompagné de musiciens qui jouent dans de super projets. Tout le monde m’encourage beaucoup ici, Lonny, Baptiste Dosdat, Niki Demiller, Cléa Vincent, Baptiste W.Hamon… C’est une scène très bienveillante qui m’a accueilli de manière très spontanée. Les gens s’intéressent à ma musique italienne et je sens une meilleure écoute que lorsque j’avais mon projet en anglais. »

Malgré ce changement de langue, l’album de Roberto est malgré tout dans la continuité musicale de Oh Pilot et son mélange de pop orchestrée et de folk, même si la production est assez différente. Réalisées avec Sébastien Collinet qui a accompagné entre autre Alexis HK ou Carmen Maria Vega, les chansons sont plus directes, comme racontées en direct. « « Luna in Pesci » est la seule chanson que j’ai gardé de mon précédent projet et qui fonctionnait pour les deux projets qui sont musicalement assez différents. On a un peu retouché la première version qui avait été réalisée par Raphael Léger avec Sébastien Collinet qui a réalisé l’album afin qu’elle s’intègre mieux aux autres chansons. C’est le guitariste Alexandre Bourrit qui m’a présenté Sébastien Collinet en pensant que c’était une bonne idée que l’on travaille ensemble sur le projet. Déjà, Sébastien parle italien et c’est un très grand musicien. Très rapidement, il a travaillé sur les bases de mes maquettes tout en ajoutant et en réinventant certains morceaux, comme « Solo in un caffé » qui était très folk au départ et qui est beaucoup plus up-tempo maintenant. Il m’a vraiment accompagné sur ce disque.»

En tout cas, en anglais ou en italien, solo in un caffé ou en compagnie de Lucia, seul ou en groupe, à l’organisation des soirées Luna In Pesci avec Cléa Vincent ou en réalisateur de clips, Roberto Cicogna est un artiste que nous sommes pas prêts d’arrêter de suivre, à Milan ou Paris.

Album « Saluti Da Parì » disponible

Interview et photos : Nicolas Vidal
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