Alaïa et les popstars
Azzedine Alaïa est décédé au mois de novembre 2017. Afin de lui rendre hommage, l’exposition « Je suis couturier » présente jusqu’au 10 juin 2018 une trentaine de ses modèles au 18, rue de la Verrerie à Paris où le couturier vécut et travailla jusqu'à sa mort. Ce lieu deviendra prochainement une fondation qui abritera les trésors de la Maison et du créateur. A la vision de ces robes somptueuses, le souvenir de quelques fameuses collaborations avec des chanteuses nous est revenu en mémoire…
Vanessa Paradis
A la fin des années 80, le monde des haters pré internet avait pour tête de turc une jeune chanteuse d’à peine 17 ans qui faisait des ravages dans les charts mais que l’on considérait comme une ravissante idiote. Jusqu'à ce qu’un film, « Noce Blanche » change la donne et qu’une pluie de récompenses s’abatte sur elle. Il faut dire que Vanessa Paradis bluffa tout le monde dans ce rôle dur, âpre et plein de sensibilité. Et c’est ainsi que les larmes aux yeux, la moue boudeuse dans sa mini robe Alaïa, les cheveux au vent et son insolence adolescente en bandoulière, elle alla récupérer son trophée, tirant sur le bas de sa robe seconde peau ultra moulante. Cette tenue très féminine et très « Béatrice Dalle » (qui fut également l'une de ses égéries) contrastait avec le corps menu de le chanteuse, mais paraissait sculptée, au plus prés de ses formes. Ainsi, grâce au flair du couturier pour sublimer la beauté populaire, cette robe fit entrer Vanessa au panthéon des égéries de mode, en amorçant sa transition entre la femme enfant et la star glamour, rôle qu’elle tient toujours pour Chanel et les cinéphiles amateurs de pop.
Madonna
S’il y a bien une chanteuse qui s’est associée avec les plus grands couturiers, c’est Madonna. Depuis ses débuts eighties et un style très personnel fait de chapelets, de robes de mariées, de clous et de paillettes, la chanteuse a collaboré avec Jean-Paul Gaultier, été l’égérie de Dolce & Gabbana, et probablement porté 95% des créations de couturiers fameux. Mais il y a cette image de Steven Meisel ou Madonna, glamour à souhait, est couchée à côté d’Azzedine Alaïa, qui semble s’endormir dans un demi sourire. Et en effet, comment Alaïa ne pourrait-t’il pas être touché par cette pop star qui s’est forgée une carrière à l’égale des superstars masculines eighties, probablement la femme la plus connue au monde, une force physique alliée à un mental d’acier, lui qui a célébré la force des femmes et leur féminité dans des robes qui les rendaient grandes, sublimes, telles des amazones gainées de cuir pour partir au combat ! In bed with Madonna !
Tina Turner
Quand on parle d’amazone, comment ne pas penser à la Beyoncé des eighties, la panthère qui se déhanchait en talons de 12 sur les rythmes soul, entièrement vêtue en Alaïa perle et or, ou en cuir taillé comme une seconde peau allié à sa crinière et sa voix pleine de rage et de force. Tina Turner a incarné en Alaïa une sorte de virilité ultra féminine, la volupté alliée à la force de caractère, un je ne sais quoi de sexy mais au service de soi même, sans que le regard des hommes n’entrave la détermination et le courage. Il suffit de voir une séance d’essayage entre Azzedine et Tina, la concentration de l’un et l’énergie de l’autre. Et de voir à quel point il n’est pas anodin d’habiller quelqu’un. What’s love got to do with it ? Tout.
Mylène Farmer
Mylène Farmer n’est pas vraiment une égérie de mode, bien qu’elle ait défilé pour Gaultier et travaillé avec Mugler au milieu des années 80. Son image, contrairement à certaines de ses consoeurs n’est pas associée à un couturier ou une marque. Mais elle a collaboré avec Azzedine Alaïa pour le clip de la chanson « Que mon coeur lache » réalisé par Luc Besson. Dans le clip, la rousse la plus fameuse de la pop française incarne un ange tombé du ciel, dans sa tenue immaculée. La robe, composée d’un corset et d’un jupon court et épais, rappelle les tenues de ballerines, mais la dentelle et les broderies évoquent également le côté 18ème siècle que la chanteuse avait exploité dans ses précédents clips « Libertine » et « Pourvu qu’elles soient douces ». Le coté sexy et sculpté des créations d’Alaïa est ici moins présent, mais le côté vierge effarouchée de la chanteuse apporte une douceur à la tenue qui contraste avec l’image « femme fatale » généralement associée aux créations du couturier.
Grace Jones
Last but not least, Grace Jones a été dans les années 80 l’une des muses du couturier, avant Naomi Campbell, et en même temps que Farida Khelfa. Mannequin cabine puis égérie du couturier, Grace Jones incarne à elle seule l’essor de la femme puissante à la sauce Goude/Alaïa, magnifiée à l’extrême par les vêtements qui semblaient cousus directement sur elle. Comment ne pas se souvenir de l’iconique robe lacée à capuche sur les jambes interminables de la sublime jamaïcaine ? Elle a incarné le corps parfait pour les création d’Alaïa : un corps immense, longiligne, puissant accompagné d’une voix de basse caverneuse et d’un caractère plus qu’entier. La définition parfaite de la femme Alaïa.
Azzedine Alaïa "Je suis couturier", exposition jusqu'au 10 juin 2018, 18, rue de la Verrerie, Paris.