Tom Grennan, pop virile et charme british
La pop music est-elle définitivement devenue un truc de vieux ? Un genre musical à la marge, minoritaire, ou alors tellement calibré qu’on ne sent plus infuser dans la pop mainstream le petit élan pétillant, romantique ou bubble gum qui a fait son sel depuis les années 60, de la new wave à la britpop. Malgré tout, comme le chante si bien Alain Chamfort dans son dernier disque, « Tout est pop », et il est toujours intéressant de discuter avec les futures idoles pop des jeunes, même si sa définition a fondamentalement évolué.
Tom Grennan est bien parti pour devenir l’une d’elles. Petite frappe au charme british, il est le pur produit de la working class britannique sur qui les projecteurs ont décidé de se braquer : « Quand tu grandis en Angleterre, ton rêve numéro un, c’est de devenir footballeur. Ou musicien. J’ai eu ce rêve en grandissant, et j’ai failli y arriver, mais je n’étais pas assez bon pour devenir un vrai pro. Et c’est la que la musique m’a trouvé. Et j’ai saisi ma chance. Une chance un peu bizarre, mais qui est devenu mon chemin. Et sans ça, j’imagine que j’aurais eu une vie un peu merdique. »
La légende et les dossiers de presse indiquent deux faits qui seraient à l’origine de sa vocation : un bœuf improvisé et alcoolisé avec des potes lui aurait fait découvrir sa voix (et sa voie), et un accident intolérable qui, à 18 ans, aurait sérieusement pu le laisser sur le carreau. Mais point d’apitoiement dans sa musique, plutôt une énergie brute de décoffrage qui passe par sa voix, effectivement atypique. Du genre Joe Cocker qui aurait mangé du gravier en plus des bouteilles de whisky réglementaires. Très étonnante pour un lad de 22 ans. « Je ne sais pas d’où vient ma voix. Je l’ai travaillée bien sûr, mais c’est plus un sentiment que j’exprime à travers elle. C’est quelque chose qui sort de moi, que je ne saurais pas définir. »
Son album « Lighting Matches » qui sort le 6 juillet prochain est également assez difficile à définir. Ce n’est pas de la pop, ce n’est pas de la soul, ce n’est pas du rock FM, mais un peu des trois à la fois : « C’est un album classique. Je ne sais pas comment le définir musicalement, mais je voulais que tout soit organique, qu’on puisse sentir les instruments et les sentiments. Comme sur les disques de James Brown, Ray Charles ou Gram Parsons. Cet album a été comme un voyage vers une certaine maturité. Je l’ai commencé à un moment de ma vie ou j’étais prêt pour une certaine introspection, ou j’ai trouvé le gars de 22 ans que je suis aujourd’hui. »
Sans affectation aucune et avec une franchise rafraichissante, Tom Grennan est le premier surpris de ce qui est sorti de lui au moment d’écrire ce disque, lui qui en grandissant s’en fichait pas mal de la musique en général et des popstars en particulier : « En Angleterre, la musique et la pop culture sont partout, peut être que ça a infusé en moi sans que je ne m’en aperçoive réellement. Je n’écoutais pas trop de musique plus jeune, ça ne m’intéressait pas beaucoup. Mais dés que j’ai commencé à chanter, une flopée de mélodies s’est incrustée dans ma tête, et il fallait que ça sorte. Je suis obsédé par ma musique, mais pas par la musique en général. Je peux passer des jours sans en écouter. »
Loin de faire une musique introspective, les chansons de Tom Grennan nous donnent quand même quelques indications sur son état d’esprit, assez révélateur d’une certaine jeunesse qui a perdu un peu de sa candeur : « Cet album parle de moi, de certaines expériences, les miennes ou celles d’amis, mais exagérées. C’est comme un instantané de ce que je suis aujourd’hui, c’est à dire un jeune homme anglais de 22 ans, mais qui aurait beaucoup plus que 22 ans. Mon esprit est beaucoup plus vieux que je ne le suis réellement. La plupart des gens de mon âge se laissent un peu vivre. Ils ne savent pas trop ce qu’ils veulent faire. A cause de mon accident, j’oublie parfois que je suis jeune. J’ai des inquiétudes que je ne devrais pas avoir. La manière de les chasser un peu, c’est de faire des chansons. »
Ce qui en revanche est bien d’aujourd’hui, c’est le nombre de vues sur ses vidéos, nouveau baromètre de sa popularité naissante et qui a définitivement remplacé le nombre de disques vendus. « Je ne regarde jamais le nombre de vues sur mes vidéos. Ce n’est pas juste un nombre pour moi, car ça veut dire que des gens ont pris le temps de regarder ce que je fais, mais je n’y pense pas trop. Je prends les choses comme elles arrivent. Si j’ai un million de vues sur un clip, ça veut toujours dire qu’il reste des millions de gens qui s’en foutent à l’échelle du monde. »
Avec une sérieuse envie d’en découdre et de prendre quand même d’assaut les charts du monde entier, Tom nous fait cette ultime confidence qui sonne comme un rafraichissant souvenir de nos héros britpop 90: « Ma mère m’a toujours dit que j’appartenais au monde de la scène. J’ai étudié le théâtre mais ça ne me sert pas trop aujourd’hui. Je ne suis pas très show off, mais j’aime qu’on m’entende. Et fort. Je ne suis pas une personne normale et je le revendique. »
En discutant avec Tom de ses influences artistiques, on tente une approche sur les artistes français, vu qu’il a joué la veille à Paris pour la première fois : « Je connais juste Zaz et Johnny Hallyday » On lui rétorque que nos goûts sont un peu différents et que les Arctic Monkeys, héros d’une musique rugueuse et très anglaise, ont cité dans Mojo avoir été influencés par nombre de musiciens français, plus à notre goût, pour produire leur nouvel album. Jusqu’ici plutôt charmant mais légèrement taciturne, un sourire est enfin apparu sur son visage.
Et voilà comment on s’est retrouvé à faire une playlist incluant Véronique Sanson, François de Roubaix, jacques Dutronc et Nino Ferrer dans le téléphone de la future star anglaise de la nouvelle pop, brute et laid back, urbaine et pop(ulaire).
SOUS INFLUENCES DIVINES
« En musique, je dirais que Ray Charles, Gram Parsons, Led Zeppelin, Docteur Dre, Eminem ou Skepta m’ont influencé. Mais aussi Michael Jackson et Elvis Presley. C’était le mec le plus cool du monde. Un blanc bec qui a digéré toutes les musiques noires populaires pour en faire un truc génial. Amy Winehouse est aussi une source d’inspiration. Cassée, tourmentée, mais avec un pouvoir énorme pour exprimer tout ça dans ses chansons et rendre les gens heureux avec ses drames intimes.
Will Smith est un acteur que je trouve super cool, et j’aime ce qu’il dégage. Et Jim Carrey aussi, qui n’a pas peur d’être tourmenté et de s’en servir. J’aime bien Adam Sandler, même si la plupart des gens pensent que c’est le pire acteur du monde. Moi je trouve que c’est un grand acteur. J’adore « Les Affranchis » de Scorsese. La morale dans l’immoralité. Je suis dyslexique et je n’ai jamais beaucoup lu, mais j’adore « Le Postier » de Bukowski. Il écrit sur un monde quotidien, mais à travers ses yeux, c’est tout sauf quotidien. Et on ne peut plus écrire comme ça aujourd’hui, ça ne passerait plus."
"Lighting Matches" nouvel album, sortie le 6 juillet 2018
En concert au café de la danse le 18 Septembre 2018