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Céline Tolosa, même le week-end.


Le “Vendredi Soir”, ce moment particulier entre la fin d’une angoisse hebdomadaire et une mélancolie joyeuse, est le point de départ du nouvel EP de la parisienne Céline Tolosa, après le très sixties “Cover Girl” sorti en 2015. “C’était une petite carte de visite. L’esthétique sixties me plait. L’insouciance, la fantaisie, l’impression que tous les rêves sont possibles. Et puis il y a un côté très pop en même temps qu’un côté après-guerre très corseté. Les jupes raccourcissent mais les cols remontent. Ça me correspond assez.”


Dans ce nouveau disque, on avance vers la décennie suivante, les seventies, mais plutôt du côté de Souchon chez Blondie que vers le flower/power. “ La plupart des gens me parlent plutôt des eighties à propos de ma musique, alors que ce n’est pas ce que j’écoute et ce que je voulais faire. Dans les eighties, il y a un côté synthé très fun, très pop, qui est moins évident chez moi.”

On est effectivement plus proche d’une mélancolie funky qui sied plutôt bien au timbre chaud de Céline Tolosa, que de la pop insouciante et colorée d’une Lio. “Il y a quelques synthés, mais moins toys. On a plutôt utilisé des Rhodes, des Juno 1, mais avec des sonorités plus crépusculaires. Un peu musique de films.”

Avec cet EP, très imagé, presque comme un court métrage, on suit le parcours d’une héroïne pop qui parlerait à voix haute de son ressenti, comme une conteuse nouvelle vague, une héroïne “Rhomérienne”, ou “Truffaldienne”. “ Il y a l’attente, la désillusion, le côté cinématographique. C’est une déambulation nocturne sur ce qu’on est, ce qu’on attend de la vie, le chemin parcouru, et celui qui reste à faire, l’envie de se mettre en danger… Et puis on a travaillé sur le disque au moment des attentats, dans un studio à deux pas du Bataclan. Et tout avait changé dans l’atmosphère. Et ça nous a forcément pénétré.”


Est ce que la mélancolie alentour a du coup orienté le son vers une légèreté bienvenue au milieu du chaos? “ C’est vrai que dans le propos de l’album, il n’est plus temps de rêver. C’est aussi quelque chose de personnel. Mais tout est parti de la recherche du son avec Dino Trufinovic avec qui je travaille en binôme plutôt que d’un propos précis. On avait envie d’une sonorité synthétique. On s’est amusé avec “L’amour en fuite” de Souchon que l’on a tordu et transformé. Et ça nous a donné des envies d’autre chose. Et puis on avait envie d’aller vers quelque chose de moins acidulé que “Cover Girl. Et quand on a mis plein de titres sur la table, un fil conducteur s’est dessiné. ”

Un fil conducteur qui remet au goût du jour le concept de l’égérie. La muse, celle qui fait tourner les têtes et les cœurs. “ Oui c’est volontaire. J’aime énormément le cinéma, et je trouve qu’il est plus facile de se voir à travers un prisme qu’on invente. Je ne dirais pas que je suis ma propre égérie, ce serait un peu névrotique, mais si on prend un peu de distance pour se lire et se confier, ça aide. C’est quelquefois plus facile de dire “elle” ou “il” que “je”. Le côté journal intime peut être agaçant pour les auditeurs au bout d’un moment. Ça aide de planter un décor et de s’imaginer un personnage, d'imaginer le temps qu’il fait. J’envisage les chansons comme des histoires”.


Un concept qui fait également écho au “parlé/chanté” très Gainsbourrien (père et fille) de l‘EP, avec le grain de voix de Céline Tolosa absolument irrésistible, très accrocheur. “ Ça en revanche, c’est assez nouveau. J’adore faire ça. Je travaille beaucoup avec ma voix pour des documentaires. C’est un autre travail. Mais beaucoup de musiciens le font en ce moment. Vendredi sur mer, la Femme, Corinne. Ça accentue le côté cinématographique, ça raconte quelque chose. L’auditeur ne peut pas se raccrocher à une mélodie qu’il peut fredonner. Mais il faut que la musique derrière soit très efficace. Dans “Qui je suis”, il y a malgré tout une progression rythmique et musicale. Et puis ça se faisait beaucoup dans les années 30. Dans toute la chanson française, mais aussi allemande, chez Kurt Vile.”

Céline Tolosa, égérie d’aujourd’hui qui regarde dans le rétro, remet un peu au goût du jour cette spécificité french pop : l’égérie à frange. Un peu kawaï, très parisienne, elle était un peu mise à mal ces derniers temps au profit de la girl next door plus urbaine, plus dans l’air du temps. Et c’est très réussi. Le vendredi soir est le moment parfait pour écouter la musique de Céline Tolosa, en imaginant que la vie avance, avec ses doutes et ses tracas, mais en souriant, les cheveux au vent, un verre dans une main, une cigarette dans l’autre, et au milieu, une vie rêvée qui se déhanche jusqu’au petit matin.


SOUS INFLUENCES DIVINES

“ Gainsbourg évidemment. Son écriture poétique, sulfureuse et le fait qu’il ait balayé tous les styles entre les années 50 et les années 80 sans avoir perdu son authenticité et sa patte personnelle. Je trouve ça sidérant. Il n’y a pas une chanson que je n’aime pas, même les fonds de tiroir. Et pêle mêle, Alain Souchon, Michel Legrand et le Velvet Underground sont les artistes qui m’ont le plus influencé. L’écriture de Souchon, sa manière très libre d’écrire des chansons populaires et très pointues, parfaitement ciselées.

J’aime aussi beaucoup le côté très langoureux de Lana Del Rey. Tu te laisses embarquer dans sa musique. Et puis son côté Lynchien qui s’inspire du passé et qui en même temps est très contemporain. Ça me touche beaucoup et ça m’inspire. J’aime les artistes qui suivent les modes et qui s’inspirent du passé, qui sont un peu écartelé entre leur désir profond de changer les choses et qui s’inscrivent dans l’époque. Avec un pied sur les deux rives, comme Bertrand Burgalat ou Benjamin Biolay.

En cinéma, Truffaut, Sautet, mais aussi les films de Mankiewicz, John Huston. J’ai eu une fascination amoureuse pour Marilyn quand j’étais petite. J’ai décroché les 600 posters du mur de ma chambre, mais je continue à acheter des livres. J’adore Catherine Deneuve, Ava Gardner, Romy Schneider.

En littérature, j’adore Jonathan Coe. Il fait des romans comme des films, des fresques. La poésie aussi. Ça m’aide pour l’écriture, très humblement. Mallarmé, Victor Hugo, Baudelaire. Ça lave la tête. Et la littérature russe, TolstoÏ, Dostoïevski.

En peinture, c’est Hopper qui a mes faveurs. Ça me transporte. Et Klimt, pour son lyrisme.”

EP "Vendredi Soir" Disponible

En concert à l'Alimentari à Paris le 24 Janvier 2019





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