Sage, pop première langue
« Avec Revolver, on a enchaîné deux albums et deux tournées, pratiquement sans s’arrêter. On était tout le temps sur la route et on s’est fatigué de nous même. Et à la fin de notre dernière tournée, on était en Australie et au moment de notre dernier concert, j’ai eu un appel de mon manager qui m’a dit que mon studio à Paris venait d’être cambriolé. Je n’avais plus rien, plus aucune guitare. Et pour moi ça a été le signe qu’une page se tournait. »
Sage, poète pop et orfèvre mélodique, promène son talent dans l’industrie de la musique depuis quelques années. D’abord avec Revolver, donc, puis depuis deux albums sous le nom de Sage :
« Sage vient de sagittaire et aussi du mot « Sage », à prononcer en français. Je voulais un nom qui me définisse sans que ce soit trop frontal. Et puis les premiers morceaux que j’ai écrit avec ce projet était plutôt calmes, comme « In Between » ou « Summer Rain », un peu évanescents. Je ne cherche absolument pas à faire une musique sage, ce serait le pire pour mes chansons. Mais j’aime bien cette ambiguïté».
Comment se réinventer lorsque l’on n’a plus de matériel, plus de base ? Comment se remettre à créer en dehors de sa zone de confort entamée en trio ? « Je suis reparti de zéro, sans guitare, et je me suis mis à composer au piano. C’est à ce moment là que j’ai défini ce qui allait devenir Sage ». Mais habitué à composer en groupe, la solitude est parfois compliquée à gérer : « Les débuts de Sage se sont faits en tandem avec Benjamin Lebeau de The Shoes qui m’a beaucoup aidé sur la réalisation du premier EP et du premier album, et on est parti sur quelque chose de plus électro. Je voulais faire le deuil de ce que j’avais fait avant, donc il n’y avait pas de guitare, pas d’harmonies vocales, pas d’instruments acoustiques. Sur ce deuxième album en revanche, j’ai eu envie de réunir les deux facettes de mon parcours. »
Et c’est effectivement le cas puisque l’on retrouve sur “Paint Myself” ce qui nous avait séduit chez Revolver, à savoir des mélodies surprenantes, qui rappellent autant Randy Newman ( “Most Anything” ) que Paul McCartney ( “ Us Again” ). Mais rien de passéiste dans la traduction sonore des ces pépites pop, plutôt même une incursion dans une pop plus mainstream ( “ Nothing left behind”, “Only love” ) agrémentée d’aspérités lumineuses. « « Paint Myself » serait l’album de l’immaturité pour moi. C’est un album que j’ai fait entièrement seul, comme un défi à moi même, un peu risqué. Et puis ce que j’ai appris avec Benjamin Lebau, c’est d’être plus spontané, là ou je peux être très perfectionniste et enregistrer une prise de guitare 40 fois alors que la première était déjà la bonne. J’ai essayé de lutter contre ce côté laborieux, d’être plus dans l’instant et d’accepter les aspérités, sans retoucher trop le son. Je ne voulais pas que le résultat ait l’air artificiel. »
Et ça ne l’est pas, presque moins finalement que ce premier album solo qui s’éloignait un peu des rives classiques de sa pop de chambre pour aller vers des sons plus actuels. « Je n’avais pas du tout conscience de cet aspect « air du temps » sur mon premier album. Je pense que Benjamin y pensait un peu plus, car il est l’un des artisans de ce son en ce moment. Mais moi je n’aime pas me poser cette question. Sur « Paint Myself », j’ai bossé seul et je n'i ai pas pensé. J’ai juste essayé de faire l’album que j’aurais aimé découvrir.”
Ce nouvel album est donc également le fruit de la découverte du studio en solo, du travail solitaire et spontané : « “Paint Myself” s’est fait très vite après la sortie du premier album. Le disque est sorti en mars 2016 et en mai, j’avais déjà 20 nouveaux titres. En travaillant les maquettes, je me suis rendu compte que ça me plaisait déjà beaucoup. Je n’avais pas forcément envie de tout refaire, et cette spontanéité là me plaisait. Je voulais garder cette impression de ne pas faire un album. Et au bout d’un moment, j’étais en train de faire mon disque seul. J’ai pensé à des réalisateurs, notamment Jonathan Rado qui avait produit le premier album des Lemon Twigs, mais il n’était pas disponible avant plusieurs mois, et comme je n’étais pas loin de finir, j’ai continué seul. »
La seule constante, invariable pour le moment et pour sa musique, est toujours ce chant en anglais : « Je n’ai jamais vraiment pensé à chanter en français parce que je n’écoute pas de chansons française. Les seuls que j’écoute sont ceux avec lesquels je collabore, comme Clara Luciani et Alex Beaupain. Ou ceux de mes copains, comme l’album de Peur Bleue qui est super bien. Et Gainsbourg, mais ça s’arrête là. Mes oreilles sont tournées vers l’Angleterre et les Etats-Unis. »
Peut être que le fait de travailler avec ces artistes plus populaires le pousseront un jour à changer d’avis, ces expériences idylliques étant couronnées de succès, en tout cas pour Clara Luciani devenue depuis la nouvelle idole d’une variété française classieuse: « Alex Beaupain, plus que Clara Luciani, est dans une certaine tradition française. Clara Luciani est très influencée par les Beatles, les Kinks, Simon & Garfunkel. Elle m’avait contacté d’ailleurs pour travailler avec elle en me disant que ses chansons étaient très variété française, elle prenait des précautions alors que j’étais sur que c’était très bien. On a travaillé sur ses chansons, sur des débuts de morceaux qu’elle avait, ou des nouveaux titres, et j’ai réalisé son EP puis son album. Pour Alex Beaupain, il avait l’idée de nous réunir avec Superpoze pour qu’on réalise son disque. On connaissait peu sa carrière, mais c’est pour ça qu’on a formé un trio très complémentaire. C’est un album dont je suis très content. »
En attendant d’écouter cette collaboration, nous allons continuer d’explorer les recoins de ce “Paint Myself” aux couleurs pop chatoyantes et incroyablement riches de volutes mélodiques.
SOUS INFLUENCES DIVINES
« Il y a un trio d’artistes qui m’a influencé. Le premier, c’est Eliott Smith pour le côté intimiste, sans prétention, un peu lo-fi. C’est lui qui m’a donné envie de faire des chansons. Et la première fois que j’ai trouvé qu’une chanson que j’avais faite était pas mal, c’est parce qu’elle ressemblait à Eliott Smith, donc j’étais super content. Ensuite je dirais un Beatles, n’importe lequel. Et puis Elton John, pour le côté plus extraverti, décomplexé et plus orchestré.
Il n’y a pas beaucoup de livres qui m’ont influencé dans mon écriture. Je pense plus à des situations humaines quand j’écris. Mais récemment, j’ai lu la biographie de Magellan par Stefan Zweig, super bien écrite. Et sa vie est passionnante. J’ai adoré le dernier « Arabe du futur » de Riad Sattouf. Et
« Sapiens » de Yuval Noah Harari.
Au cinéma, « Get out » m’a vachement marqué récemment. Mais comme j’ai un petit garçon, je n’ai pas beaucoup le temps d’aller au cinéma.
Sinon j’adore Laura Marling. Je la trouve assez fascinante. Elle a un côté spectral. »
"Paint Myself”, album disponible