On embrasse la pop d'Emilie Marsh.
Cela fait quelques années que le nom d’Emilie Marsh circule dans le petit monde de la pop d’ici. Un nom que l’on voyait, qu’on entendait, souvent dans les palmarès des tremplins musicaux. Mais bizarrement, jamais dans les sorties d’albums. “ J’ai enregistré des choses après avoir gagné ces tremplins. Mais je n’étais pas satisfaite. Et puis je jouais beaucoup sur scène, pour mes projets mais aussi pour ceux des autres, donc je n’avais pas trop le temps de me plonger dans un album à moi. Du coup ça s’est étalé. Mais je suis contente de ne le sortir que maintenant. je n'étais pas au bon endroit avant.”
Au bon endroit, Emilie y est désormais avec ce premier album très réussi qui mêle pop mélodique (“Haut le coeur”), chanson électro (“J’embrasse le premier soir”) et et torch song queer (“Où vas-tu la nuit”). Le tout porté par une voix et une interprétation limpides qui rappellent parfois autant Mylène Farmer que la Grande Sophie. “ Ça ne me gêne pas qu’on pense à Mylène Farmer en entendant ma musique. Je pense que ça vient du traitement de la voix, et de certaines mélodies qui rappellent parfois les siennes. Les gens ont leurs propres références quand ils entendent de la musique et si ça leur fait penser à elle, tant mieux. Ce n’est pas une chanteuse que j’écoute aujourd’hui, mais elle fait partie de ma culture. Les influences, c’est un savant mélange de toutes les musique engrangées depuis de nombreuses années.”
Depuis le temps qu’Emilie fait de la musique, il y avait probablement matière à faire un double album, mais finalement, les chansons choisies ne sont pas les plus vieilles : “ Les chansons, à part “Goodbye Comédie” et “Où vas-tu la nuit” sont assez récentes. Le temps m’a permis d’écrire plus et de pouvoir choisir les chansons qui convenaient le mieux à ce disque. J’ai fait une première mouture de l’album avec Albert, mais beaucoup de temps s’est passé entre l’enregistrement et le mix, et je me suis retrouvée deux ans plus tard avec quelque chose que j’avais envie de retoucher, les voix notamment. Je suis retournée en studio avec Katel. On est partie des bases de l’album, et en un mois on a retouché l’album pour arriver à ce résultat.”
Et le résultat est résolument pop par rapport à l’image de la fille à guitare que l’on se faisait d’elle, amplifié par son image sur scène. “ Pour moi le rock, c’est une attitude. Je n’ai pas une culture de grosse punk. J’adore la pop, ça me ressemble aussi. Mais sur scène, j’imagine que je renvoie quelque chose de plus rock avec la guitare. Je me situe entre les deux. Mon rapport à l’instrument est très important. C’est le jalon de mon parcours, presque une partie de mon corps. J’adore accompagner les gens à la guitare. je me sens autant entière que lorsque je joue mes chansons. J’ai la chance d’accompagner des projets que j’aime en plus. Ça m’éclate vraiment, je m’exprime.” Mais la pop d’Emilie doit également à la double culture dont elle a hérité. “ Quand j’étais petite, avec mon père qui est anglais, j’ai été baignée par les Pink Floyd, les Beatles. Et par la chanson française du côté de ma mère. C’est ce qui a développé mon goût pour les mélodies et les textes en français. Je ne pourrais pas chanter en anglais par exemple.”
Ces derniers temps, Emilie a été associée à l’image rock chic de Dani, icône pop et nocturne qu’elle accompagne dans ses projets sur scène, pour ses concerts mais aussi lors du spectacle “La nuit ne dure pas” avec Emmanuelle Seigner. Elles partagent l’excellent titre “Sur les ondes”, comme un lien ininterrompu : “ Je voulais vraiment garder une trace de ma collaboration avec Dani, de notre histoire. C’est un de ses auteurs qui a écrit le texte car c’était trop intime pour moi d’écrire pour nous deux. Ça parle de notre lien.” Autre point commun avec Dani, Emilie vient de faire ses premiers pas au cinéma : “ C’est un hasard de la vie. J’ai eu un petit rôle dans le film “Nos vies formidables” de Fabienne Godet. Pendant le tournage, Fabienne m’a demandé de jouer un morceau au piano, et j’ai choisi cette chanson, “Haut le cœur” qui collait bien à l’univers du film. Elle l’a gardé dans le film et c’est devenu le générique. C’était un moment suspendu. Le hasard total. C’est un film qu’on a tourné il y a deux ans et on est resté très soudé avec l’équipe. Et le film est très beau.”
Le travail d’équipe et l’envie de faire les choses avec les autres seraient finalement le leitmotiv d’Emilie Marsh, elle qui a créé avec les chanteuse Katel et Robi le label FRACA : “ Beaucoup d’artistes créent un label pour produire leurs projets, mais il y en a peu qui se fédèrent autour d’un projet de label, avec plusieurs projets artistiques. On voulait créer un label féminin et féministe. Il y a très peu de femmes aux postes de direction artistique dans les labels. On a été très stigmatisées au début, et c’est pour ça qu’on a appelé le label Fraternité Cannibale. On ne se mange pas les unes les autres, mais on se nourrit les unes des autres, ce qui est très différent.”
Portées par une volonté de fer et l’ambition de faire bouger les lignes d’une industrie musicale encore phallocratique, les 3 chanteuses ont ouvert le label à des projets ambitieux : “ On a toujours collaboré de façon informelle, avec des soirées chanteuses ou l'on abordait nos problématiques. Et un jour, s’est présentée l’occasion de structurer tout ça, d’avoir un outil de production. Et on s’est dit “allons au bout, trouvons des partenaires de distribution, de communication.” et on y est allé. Ce collectif qui au départ était fait pour sortir nos projets a pris aussi une dimension de direction artistique avec Angèle Osinski et Superbravo. Donc il y a déjà 5 artistes FRACA”
Belle ambition, à l’image de ce premier album très abouti et complètement addictif où l’énergie d’Emilie se marie très bien aux ambiances nocturnes, et où les mélodies se collent instantanément dans le cerveau. Nous aussi on embrasse le premier soir, surtout avec cette bande-son en arrière plan.
SOUS INFLUENCES DIVINES
" Il y a toujours une différence entre la musique que tu aimes, et que tu écoutes, et ce à quoi elle ressemble réellement. Du coup c’est difficile pour moi de trouver les artistes qui m’ont influencée. Ce que je peux dire, c’est que j'ai une double culture entre la chanson et la pop grâce à mes parents. Petite, on me raconte que j’étais tombée raide dingue de George Brassens. Et un jour en vacances, je suis tombée sur un clip de Michael Jackson, et j’ai laissé tombé Georges. Je l’écoutais en boucle. Mais les albums “Rather Ripped” de Sonic Youth, et "Horses" de Patti Smith sont très importants pour moi. Elle a un truc animal que j’adore. Mais aussi Blonde Redhead et l’album “Misery is a butterfly”.
Dans les livres, je citerais “Le temps ou nous chantions” de Richard Powers que j’offre à plein de gens, mais aussi “Le monde selon Garp” de John Irving et “Magnus de Sylvie Germain. Ce livre me suit depuis longtemps.
Dans les films, j’ai été très marquée par “Mulholland Drive” de Lynch, comme beaucoup de gens, mais aussi par “Donnie Darko” qui est un de mes films préférés. C’est improbable, génial, avec Jake Gyllenhaal ado. Je l’ai vu plein de fois. L’atmosphère du film, et le sujet du temps, du voyage dans le temps m’a beaucoup touchée. Et la BO est démente.
Julianne Moore dans “The hours” me plaît beaucoup. Elle a une présence qui dépasse le langage. J’avais écrit une chanson sur ce personnage d’ailleurs, sur le choix de vivre les choses intensément, la soif de vivre, qui est quelque chose de très important pour moi.”
Emilie Marsh, 1er album disponible.
En concert à Paris au Trianon (1ère partie La Maison Tellier) le 15 Mai ; le 3 Août à Langogne ; le 12 Août à Conceze ; le 26 septembre à Paris (Café de la danse)