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Constance Verluca fait ce qu'il lui plaît.


Dans notre ère médiatique et musicale, sortir un album, s’en aller et revenir quelques années après sans être devenue une vedette adulée est une chose extrêmement rare. C’est pourtant ce qu’a fait Constance Verluca après son premier album sorti en 2007, “Adieu Pony”. “12 ans, c’est un record ! “ s’exclame t’elle. Et c’est vrai. Son nouvel album, le bien nommé “Longtemps”, s’est donc fait désirer. Mais en premier lieu chez elle : “ Il y a eu plein de raisons, et je ne sais pas exactement ce qu’il s’est passé dans mon cerveau ou dans mon coeur. En fait, je ne me suis jamais dit “je vais faire des albums” quand j’ai commencé. Quand j’ai fait mon premier album, j’avais plein de chansons que j’écrivais depuis des années, et je trouvais dommage de ne pas les faire écouter. Et là, c’était pareil. C’était quasi irrésistible. Ce n’était pas du calcul. Au bout d’un moment, ça devient invraisemblable de ne pas les sortir.”


Chercher d’autres raisons que le désir d’avoir du désir pour la musique serait finalement assez vain. Mais sa démarche, presque audacieuse aujourd’hui nous a peut être fait penser qu’elle avait eu un ras le bol du milieu musical. Mais même pas : “J’écris assez lentement, et je ne fais pas que ça. J’ai monté une école de musique pour enfants, “Le club pop”. Et puis ça correspond assez à mon caractère. Mais je ne me suis jamais dit que j’en avais ras-le bol de la musique ou du milieu. Mais là, en sélectionnant les chansons du 2ème album, et notamment certaines que je trouvais réussies et que j’aurais aimé entendre au Monoprix, je me suis dit qu’il était temps de faire un autre album.”


Et Constance a eu raison d’attendre tant ces 10 chansons, pépites légères à la fois sixties et contemporaines, arrivent exactement au bon moment dans la pop d’ici qui n’en finit plus de digérer les machines. “Après avoir réalisé l’album de facture très classique pop - le trio guitare/basse/batterie, quelques cordes quand j’avais les moyens - j’ai réalisé qu’on était dans une époque où l’économie primait, et que pour faire les choses comme ça, ça coûte de l’argent et c’est compliqué. Il faut de l’humain. Et ça ne peut pas transmettre la même chose que la musique électronique. J’adore la musique électro, la machine plus forte que l’homme, rythmiquement. Mais là, j’avais envie d’entendre les matières, le bois, le métal.”

“Longtemps” rejoint les derniers albums de The Rodeo où de Laure Briard, que l’on aime passionnément chez Faces, avec son atmosphère yéyé et Moriconnienne, ou la voix de Constance tire vers la simplicité d’une Claudine Longet où d’une Jeanette d’aujourd’hui. “Ce n’est pas une envie qui précède la fabrication. Ce sont mes références, celles que j’ai dans mon cerveau et entre les doigts qui fait qu’on arrive là. C’est ce qui m’a nourri adolescente, et je crois que ça marque à jamais ce qu’on écoute entre 15 et 18 ans. Il y a une espèce de madeleine pas normale. Enfant, on n’écoutait peu de musique chez moi, mais j’étais dingue de Bach. Je lui ai volé quelques notes d’ailleurs, mais chut.”


Il y a dans ce disque une légèreté alliée à une forte conscience du monde alentour qui en fait un objet pop résolument à part, singulier, comme son auteure. “ Mes chansons ne sont pas farfelues. Souvent, on me dit que j'exagère dans mes chansons. Mais vous vivez comment les mecs? J’avais fait une chanson “Tu es laide, je suis jolie”. Pour moi ce n’était pas une blague du tout. Dans la moindre cour de récré, ou la cour de récré de la pop, tout le monde est le petit de l’autre, ou le grand de l’autre. Le rapport de domination est évident et permanent. Après je peux écrire pour me marrer, et si ça finit dans un rire pourquoi pas. Mais la base est réfléchie.”


Il est très agréable de voir une artiste qui ne cherche pas à séduire à tout prix. Ni le milieu, ni le public : “Je ne veux que ma propre reconnaissance. Le public, je ne sais pas qui c’est, je comprends rien du tout, et je ne cherche pas à comprendre. Je ne sais pas ce qu’écoutent les gens. J’écoute moi même peu de musique. Donc je pars toujours de ce que j’aimerais écouter, moi.” A l’écoute du disque, on avait eu un peu l’impression que cette collection de chansons était un peu la bande son d’une chanteuse qui écrivait sur la vie, la sienne, mais sans égocentrisme. Comme un carnet d’observations sensibles (“ la fille la plus triste du monde”), futiles parfois (“J’ai goûté”), discrètement actuelles (“Président noir”) et très subtilement personnelles (“Comme un adulte”). “ Je ne sais pas si on peut parler de bande son car je n’ai aucune idée de la chronologie des chansons. Parfois, je passe par 7 mélodies sur un même titre. J’ai changé la mélodie du refrain de “Comme un adulte” la veille de l’enregistrement. Je crois vraiment que je n’ai pas beaucoup changé depuis mes 15 ans. Je dois paraître plus vieille bien sûr, mais je suis la même. Je ne ressens pas d’évolution.”

Sa musique paraît très spontanée, comme elle d’ailleurs. “Complètement. Je suis une fille qui a pris sa guitare, a découvert garage band, et a enregistré des maquettes. Je ne peux pas théoriser plus que ça.” Est-ce cette même spontanéité qui lui a fait ouvrir une école de musique pop où les enfants apprennent autant “le Banana Split" que les trésors de Burt Bacharach ? “ J’ai créé cette école parce que c’est dans mon caractère aussi. L’envie de transmettre. Parfois, les élèves parlent de devenir célèbre. Et je ne veux pas l’entendre en cours. On est là pour faire une chanson, et on veut qu’elle soit très bonne, et éventuellement on la fera écouter. Mais je ne veux pas entendre parler d’intentions. Ils regardent “The Voice”, ils ont l’habitude d’être pris en photo, ils ont l’idée de la projection de ce qu’ils font. Et moi je déteste ça. Bon il y a la règle du jeu aussi, qu’on peut jouer à sa manière, de manière plus créative.”


En parlant d’esprit créatif, c’est avec un autre artiste, héros discret de la pop d’ici, qu’elle a conçu ce disque, Julien Baer : “Je connais Julien depuis longtemps Je l’ai rencontré par son frère que je connaissais. Ça fait 20 ans. Et un jour que j’étais en panne d’inspiration, je l’ai appelé. Et il m’a dit qu’il n’écrirait rien pour moi, que je n’en avais pas besoin. Il m’a dit “Tu es la reine des textes”, ce qui m’a donné beaucoup de force. Julien, il est comme moi, il fait les choses au présent. Et puis il n’enregistre pas tout ce qu’il fait, comme moi. Donc je me suis dit que c’était la bonne personne pour faire ce disque. Je peux même dire que “Je ne l’aurais pas fait sans lui”. ”

Malgré cette apparente nonchalance, Constance Verluca fait beaucoup de choses : des livres pour enfants, des musiques de film, des scénarios, des textes pour les autres : “J’ai participé récemment à la BO de “L’amour est une fête” de Cédric Anger avec Grégoire Hetzel. Cédric est un féru de musique, très mélomane. J’ai aussi participé au scénario de “Un jeu d’enfants” de Laurent Tuel. J’aime bien travailler sur la contrainte. J’adore écrire pour les autres, avec un cahier des charges. Mais pour moi, la seule grande contrainte que je me fixe, c’est que ce soit très compréhensible. Ce qui est compatible avec une certaine sophistication.”


On a souvent l’impression que le monde de la musique a changé en 10 ans. Que les acteurs sont très différents. Les goûts du public aussi, la pop étant devenue indé. “ Si on recule un peu, c’est la même chose qu’il y a 10 ans. C’est juste qu’il y a des canaux différents. Que ce soit un algorithme ou une playlist, c’est comme un programmateur radio. Mais ça reste des gens qui font des chansons avec des oreilles qui les écoutent. Les goûts changent un peu, mais la mode en musique a toujours existé.”


Et on souhaite à Constance Verluca d’être surtout indémodable, comme son précieux disque. D’autant plus précieux que le prochain album risque de se faire attendre. Mais qu’importe. On pourra écouter et réécouter sans se lasser ce “Longtemps” déjà classique, parfait condensé de pop littéraire et de comptines intimes et voyageuses qui compte à minima un chef d’œuvre pop, la chanson "Sans doute" qui nous donne des frissons à chaque écoute.


SOUS INFLUENCES DIVINES

“ La personne que j’admire le plus, mais sans influence car je suis loin d’être à sa mesure, c’est Glenn Gould. Il me rend dingue, c’est de l’ordre du divin. C’est au delà de l’admiration, c’est un être supérieur pour moi. Lee Hazlewood également, que j’ai découvert plus tard. Il y a ce truc chez lui de chansons swinggy. Un peu comme chez Jeannette. Ce ne sont pas des rythmes de dingue, mais c’est très rythmique. J’aime les ballades rythmées en fait. Et puis sa voix grave, les cordes sophistiquées… C’est parfait.

Je suis meilleure en cinéma qu’en musique. Quand j'ai lu les “notes sur le cinématographe” de Robert Bresson, qui sont des phrases radicales, mais très humbles, au sens ouvrier, c’est devenu une sorte de bible. Sinon, le film qui m’a profondément époustouflée parce que je ne savais pas ce que j’allais voir, c’est “The swimmer” de Frank Perry avec Burt Lancaster. C’est splendeur et misère. C’est pour ça que j’aime aussi Balzac. “Les illusions perdues” où “Anna Karénine”, j’aime beaucoup. J’aime le décorticage extra lucide. Je n’aime pas le farfelu. Ce qui me bouleverse, c’est quand c’est cru et lucide. Comme Glenn Gould avec Bach. Il le prend note à note. En peinture, je citerais mon père, Robert Verluca. C’est très beau. Ce n’est pas religieux, mais c’est très primitif. Et en photo, je dirais Sally Mann. Elle a beaucoup pris ses enfants en photo, notamment nus car elle vivait beaucoup dans la nature. Et elle a été très décriée pour ça. Alors que bon, ce n’est pas scandaleux. C’est ce qu’on voit à travers ça qui peut l’être. Mais elle a des clichés splendides.”


Nouvel Album "Longtemps" disponible

En concert à Paris aux Étoiles le 23 Mai





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