Pop Code : PR2B
C’est qui PR2B ? On pourrait penser à un robot pop qui nous ferait accéder à une musique électronique du futur. Où à un projet hip hop hybride qui nous emmènerait loin vers des images étoilées, une constellation (en)chantée. C’est finalement presque le cas, mais c’est surtout le projet de Pauline, nouvelle recrue d’une armée pop de chanteuses françaises dont le parcours mêle les images et le son dans un geste très naturel. “ J’ai fait la Femis. Je viens plutôt du cinéma. Mais j’ai commencé la musique très tôt en faisant de la clarinette. J’ai toujours écrit des chansons, même au collège sur ma petite vie. C’est toujours resté plutôt intime. Mais ça revenait toujours. Et quand je suis arrivée à la Femis, on m’a proposé de faire des musiques de films, et ça a plutôt marché.”
Les chanteuses d’aujourd’hui prennent leur destin en main. Finie l’époque des égéries, des poupées de son. Place aux créatrices revendiquées, qui n’ont besoin de personne, surtout pas qu’on les emmène sur les rails balisés de la sagesse : “ Pendant la Femis, surement un peu par rebellion, j’ai fait des chansons que j’ai mises sur Soundcloud et Youtube. Et tout s’est enchaîné après ma rencontre avec le rappeur Hyacinthe qui m’a présenté les gens de la Souterraine (label défricheur de talents) qui ont mis ma chanson dans une de leur compilation. A ce moment là, j’écrivais des projets de court métrage, mais j’ai senti que c’était le bon moment pour me concentrer un peu plus sur la musique. C’était depuis longtemps en moi.”
On a croisé de nouveau Pauline sur un projet autour de Léo Ferré. “J’ai participé à un projet de reprises, chapeauté par La Souterraine, qui voulait plutôt des jeunes artistes et sortir des reprises attendues de “C’est extra” et de “Jolie Môme. Je les ai aussi accompagné un petit peu sur scène. Et c’est là que j’ai commencé aussi à faire des live avec mes titres et que je me suis créé un entourage professionnel.”
Cet entourage lui permet aujourd’hui d’être dans un rayon de lumière plus que large : chantier des Francos, Inouïs du printemps de Bourges, sélection au FAIR, signature sur le label Naïve… Il reste peu de temps avant que PR2B n’inonde la chanson française avec ses beats hip hop et sa verve plus française. "J'écoute beaucoup de chanson et de rap. Il y a quelque chose qui a changé dans le rapport rythmique. Comme Rosalía qui va travailler des rythmes étranges en le liant à un endroit de patrimoine pur et dur. Moi j’aime bien que ça frotte.”
Pourtant, c’est plutôt le versant doux de sa musique que PR2B a décidé de dévoiler en premier en mettant en avant une chanson très réussie, très romantique et fatalement addictive, “La chanson du bal” qui nous a immédiatement séduit par son atmosphère et sa mélodie : "J’ai enregistré l’album cet été, et “La chanson du bal” permet de faire entrer le projet dans un style plus chanson, d’amener de la douceur. Sur l’album, il y aura de la révolte, de l’énervement à plein d’endroits. Mais cette chanson fait aussi le lien avec le cinéma car elle démarre un peu comme un film : “Hier soir, j’ai fui au milieu de la soirée…” Je voulais raconter une histoire, entrer dans la fiction pour ensuite dévoiler d’autres choses.”
Mais la lutte ne fait que commencer, ne serait-ce que pour réconcilier les facettes musicales de la chanteuse : “Mon côté révolté n’a pas disparu. Les titres qui sont déjà sortis, ils venaient de chez moi, de mon home studio, et en un an et demi, j’ai beaucoup travaillé, beaucoup chanté, et dans “La chanson du bal”, il y a aussi quelque chose que je voulais raconter de la musique, avec une orchestration plus organique, de la clarinette, du saxophone, et c’est moi qui les joue.”
Moins glamour, en lutte, la nouvelle génération de chanteuses nous séduit par ce qu’elles disent de l’époque, de la domination masculine, du patriarcat, du mélange des genres (musicaux, sociaux, sexuels). Et on ne peut que s’en réjouir. PR2B, à l’instar d’Aloïse Sauvage, Flèche Love où Fishbach, nous emmène à son endroit. Et on aime cet endroit, ses rêves, et ses chansons à la fois pop et réalistes, sans parler de sa manière habitée de les interpréter.
SOUS INFLUENCES DIVINES
“Je dirais que Marina Abramovic est une des artistes que j’admire le plus. Quand je l’ai vu la première fois, c’était à Avignon quand Jan Fabre l’avait invitée à refaire ses performances. Et c’était fou. J’avais vu cette femme qui mélangeait la vidéo, avec le chant, le travail sur son corps, qui pouvait quasiment mourir sur un plateau. Pour moi, la performance est l’endroit limite à l’aune de tellement de choses, que j’ai envie de parler d’elle. En musique, mes influences les plus fortes sont dans plusieurs registres. Pour le côté chanson, ce serait un mélange de Brigitte Fontaine, Serge Gainsbourg et Jacques Higelin. Un mélange de chanson intime, folle, qui peut partir dans le monde farfadets. Ensuite, il y a le pan jazz : Moondog, Nina Simone, Cesaria Evora, Michel Legrand. Des artistes qui ont construit un rapport entre la mélodie, la musicalité. Et puis le pendant rageux, rythmique, qui vient plus du rap, comme Kanye West - bien que je ne partage pas ses idées politiques, surtout après ses déclarations anti gays - dont la musique recèle de choses merveilleuses. En cinéma, j’ai beaucoup d’influences, mais je dirais Maurice Pialat, particulièrement “La Maison des bois” que j’ai revu récemment, et “Hana Bi” de Kitano. Il ose le burlesque dans un grand film sur l’amour. L’inverse de Pialat qui est dans le réel et qui va détruire. Ces deux noms sont l’essence du cinéma pour moi. En littérature, j’ai envie de citer du théâtre. “Angels in America” de Tony Kushner a été pour moi un grand choc. Hervé Guibert aussi. “Mes parents”, ça m’a cloué sec. Et Virginia Woolf.”
"Des rêves" EP disponible