Yadam, à sa juste place
Bien que Faces Zine défende une musique plutôt pop, il nous arrive parfois de jeter un oeil sur les télé-crochets. Après tout, la musique populaire de qualité - où les guilty pleasure - s’écoute partout. A cause de Benjamin Biolay qui était membre du jury cette année là, nous avions regardé la Nouvelle Star, et nous avions été très ému par Yadam, un candidat vénézuélien à la sensibilité sincère. Mais malheureusement comme souvent dans ces émission, il est difficile de reconnaître la juste identité musicale des artistes. “ La Nouvelle star, ce n’est pas un accident. C’est juste que je ne savais pas ce que j’étais en train de faire. C’est une opportunité qui est arrivée, je l’ai saisie. En arrivant du Venezuela, je ne savais pas que ça allait m'arriver. Après, à l’intérieur du show, je n’avais pas le choix des musiques que je devais chanter. Une fois à l’extérieur, quand on m’a donné le choix, c'est là que j’ai commencé à me poser les questions sur la musique que j’avais réellement envie de faire”
C’est peu dire que nous avons été très surpris par l’orientation musicale du premier EP de Yadam, “Safeplace”, plus proche de James Blake que de Coeur de Pirate. “ Il y a eu tout un travail d’introspection pour trouver ce que j’avais en moi, tout en essayant de garder ce que les gens disaient qu’ils aimaient chez moi. Je l’ai découvert en même temps qu’eux en fait.” Seule constante, la sincérité qui se dégage des pop songs plus feutrées que les standards de variété qui nous l’ont fait connaître : “ Il fallait que je la trouve dans le son que j’avais envie de présenter, et qui sortait des reprises variété par lesquelles on m’a connu. Ce premier EP, c’est aussi une manière de me présenter. Les prochains projets que je vais faire seront toujours basés sur une histoire, mais avec peut être une manière différente de la présenter. J’aime raconter des histoires depuis que je suis enfant. “Safe Place” est lié à l’histoire de ma vie. ”
Sa vie d’artiste commence comme pour beaucoup de jeunes gens, à la portée d’un clic sur YouTube : “ Quand j’étais au Venezuela, je chantais dans ma chambre, je postais des vidéos sur les réseaux sociaux, mais comme beaucoup de jeunes qui se disent dans leur tête qu’ils aimeraient chanter, mais qui ne savent pas que c’est possible de le faire. Après, j’ai commencé à faire des concours, mais j’arrivais toujours 2ème sauf pour un concours de l’Alliance Française que j’ai remporté et qui m’a permis de venir en France quand j’ai eu 18 ans.”
La France comme un eldorado artistique n’est au départ qu’un projet de vacances qui a plutôt très bien tourné pour Yadam : “ J’avais reçu beaucoup d’argent pour une semaine de vacances en France, et pour assister aux Francofolies de La Rochelle. Ayant vécu au Venezuela, je me suis dit que je n’allais pas dépenser tout cet argent que je n’avais jamais eu, juste pour une semaine. Du coup, je l’ai utilisé pour trouver une chambre, pour un mois, et une semaine plus tard j’étais au casting de La Nouvelle Star grâce à la dame qui me louait la chambre. Elle m’a beaucoup aidé. Elle est devenue une deuxième mère pour moi.”
Il faut parfois faire confiance au destin, à sa bonne étoile, où en tout cas croire en soi et saisir sa chance. En même temps, Yadam a eu sa dose de coups durs personnels que l’on ressent dans sa voix puissante mais feutrée, toujours à deux doigts d’exploser, qu’il chante en anglais, en français ou en espagnol. “Toutes les chansons viennent en fonction des émotions que j’ai envie d’exprimer, et la langue vient en fonction de ces émotions. Il y a des choses que j’ai vécu en anglais que je n’arrive pas à exprimer en français. L’espagnol est très efficace pour raconter les émotions plus romantiques, plus personnelles. Alors qu’en anglais, vu que j’ai eu une expérience très traumatisante quand je vivais aux Etats-Unis, c’est plus dur. Dans la chanson “Sorry”, c’est comme si je criais sur quelqu’un.”
C’est d’ailleurs la force de ce premier EP que de mélanger les langues, les ambiances, la froideur des machines et la chaleur de sa voix, quelques arpèges de guitares et des nappes synthétiques. Un son instinctif, mais plutôt bien maîtrisé : “Pendant longtemps, je n’écoutais que ce qui passait à la radio, comme beaucoup de gens. Je connaissais mal la musique indé et cette manière d’exprimer la musique, qui n’est pas fixée dans une manière de faire. On m’a conseillé d’écouter certains artistes, et j’ai pu expérimenter ces sonorités différentes. James Blake, RayX, Banks… J’aime aussi beaucoup Lorde, Florence & the Machine, Rosalía.”
Rosalía qui a d’ailleurs remis l’espagnol au centre de la pop mondialisée, où Flèche Love et ses expérimentations sonores en espagnol, français et anglais, ont prouvé que la pop n’est plus seulement une affaire de langue : “ Quand je suis sorti de la nouvelle star, on m’a de suite demandé dans quelle langue j’allais chanter, et ça faisait débat dans mon équipe car je ne voulais pas choisir. Et ce qui est cool, c’est que maintenant, plein d’artistes chantent dans différentes langues. Moi je suis fier de chanter dans toutes ces langues, parce que c’est moi.”
Ce qui fait également partie de Yadam désormais, c’est une identité queer qu’on pressentait, et qui nous touche d’autant plus que la pop française masculine - avec Eddy De Pretto, Thibaut Pez, Refuge ou Léo Lalanne - se dégage des carcans trop binaires. “ Je ne sais pas si je fais de la pop queer maintenant que j’ai fait mon coming out, en revanche je n’ai plus de limites dans ma manière d’utiliser les mots, les phrases dans ce que j’écris. Ça me donne beaucoup plus de liberté. Et dans ma manière d’être sur scène, je me lâche complètement, alors que dans la vie, même avec un mec, je suis plutôt très carré. C’est l’endroit où j’exprime ma sensibilité et ma sensualité. Même si je ne l’avais pas dit avant, le mood était là et je voyais bien que le public le ressentait quand même. Donc autant le dire et l’assumer. Et puis je viens d’une famille chrétienne, je suis croyant, et tous ces tabous là devraient m’empêcher de vivre ma vie. Moi je la vis de manière pure et innocente, et si je peux montrer cet exemple là, tant mieux.”
Yadam a trouvé sa “Safeplace” en France, à l’aise avec ses identités multiples, et a touché notre cœur de midinette avec ce cocon pop froid et chaud très bien senti, entre RN’B chaloupé et confessions latines.
"Safeplace", EP disponible