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Mathilde Fernandez, chanteuse de guerre pop !


On était un peu intimidé à l’idée de rencontrer Mathilde Fernandez pour parler de son EP “Hyperstition” sorti en fin d’année dernière et de son nouveau titre, "Chanteuse de guerre". La faute à une image un peu noire, gothique mais non dénuée d’humour. Car Mathilde Fernandez est étonnante. Du genre à avoir des fans transis d’amour qui se damnent pour ses chansons et ses performances. On les comprend car elle nous fascine depuis que l’on a découvert sa chanson “Égérie”, une ode fantasmée à une Cicciolina (icône trash eighties passée du porno à la politique italienne) plus vraie que nature. “A la base, j’ai choisi la Cicciolina pour la rime. Ça ne raconte pas du tout son histoire !” Un morceau pop qui croisait Nina Hagen et Niagara, la pop et l’Opéra.


Nous nous sommes donc penché sur cette égérie pop qui faisait revivre un certain glam et une fantaisie toute nouvelle sur la pop française avec son premier EP, “Live à Las Vegas”. “En ce moment je travaille avec un label qui s’appelle Bordel Records qui a été créé par Scratch Massive. Sébastien avait beaucoup aimé “Egérie”, et je leur ai proposé de ressortir “Live à Las Vegas” à la rentrée. Et ils ont accepté de me suivre. Il y a cet inédit que j’ai produit avec lui, “Chanteuse de guerre”, et on a tourné le clip au Mexique. Ce morceau était un peu à part, mais je suis contente de lui donner une vie un peu autonome, avec une esthétique différente de ce que j’ai fait jusqu’à présent. Et on a tourné un clip sur la chanson “Egérie” entre Hollywood, la route 66 et Las Végas. A la base cet EP était sorti de manière totalement indé fin 2015, sans attaché de presse. Assez vite, les Inrocks et d’autres titres un peu costauds m’ont soutenue, mais je trouvais qu’il méritait mieux.”


Nous ne pouvons qu'acquiescer tant cet EP fantasque et maîtrisé nous plaît. Tout autant que “Hyperstition” d’ailleurs. “Je fais de la musique depuis que je suis enfant, mais c’était comme un hobby. J’ai fait les beaux arts, je travaillais dans le théâtre, j’ai fait un peu l’actrice, de la mise en scène. Mais j’ai eu envie de monter mes propres projets. Et j’ai fait “Live à Las Vegas” avec Robin Leduc qui m’a aidé à produire l’EP. On s’est super amusé à le faire.” Ce premier EP aurait logiquement dû lui ouvrir les portes des labels et des producteurs tant le fameux “univers” esthétique que l’on demande aux chanteurs et chanteuses d’avoir, est particulièrement abouti chez Mathilde : “J’ai rencontré des labels à ce moment là, mais beaucoup voulaient que je change des choses, que je chante moins fort. Et c’était pas possible."

Heureusement, une collaboration avec Perez auréolé du succès critique de son premier album “Saltos” est venu à point nommé pour relancer la machine : “Avant “Hyperstition”, j’ai eu la chance de collaborer avec Perez. J’ai découvert son album que j’ai adoré, et je lui ait écrit sur Facebook. J’ai déclaré ma flamme. J’étais chamboulée par ce disque que j’ai usé. Je lui ai proposé qu’on fasse des choses ensemble et il m’a dit oui. Dès le lendemain, il m’a envoyé une boucle, et on a échangé pendant 9 mois. On a travaillé par mail et on s’est rencontré à la fin. Le morceau “Walhalla” est tellement étrange, bizarre, il se passe un truc toutes les 30 secondes. J’étais tellement enthousiaste que je lui ait proposé de produire un clip, avec ma petite équipe bruxelloise. Et puis c’est devenu le single, et a été très exposé. J’ai bénéficié de toute cette presse. Et du coup je suis parti sur “Hyperstition”.


Ce deuxième EP, plus sombre, plus électro aussi, creuse un peu plus le côté gothique de la musique de Mathilde, mais aussi le côté dancefloor lyrique que l’on peut retrouver chez Austra ou The Knife. “ J’avais une super belle série photo qui collait esthétiquement avec les morceaux “Oubliette”, “Pressentiment Prémonitions”, et “Où es-tu?”. Je me suis dit que c’était bien de sortir ce mini Ep. Ça reste un EP très home made, mais j’ai travaillé avec des gens en qui j’avais 1000% confiance.”


Le travail visuel de Mathilde et cette envie de créer un univers très à contre courant de la girl next door qui fait des selfies et se met à chanter, elle le doit à sa passion pour une icône pop adulée : “Je suis fanatique de Mylène Farmer. Mylène c’est une icône, et un exemple bien sûr. Elle est tellement intrigante et elle a très bien construit son personnage. Je pense qu’elle est très différente dans son art et dans la vie. On l’a toujours protégée je pense. Quand tu la vois en interview, elle a l’air douce, gentille, et on sent qu’elle pourrait tout déballer de sa vie. Mais si on perd ça, on perd tout. Dans la vie, je suis assez spontanée et naturelle. J’ai tendance à raconter des trucs que les gens n’ont pas envie d’entendre. J’ai appris à être un peu raccord avec l’image et l’esthétique de mon projet. Publiquement, dans les concerts, c’est un peu plus mystérieux.”

Pourtant, à l’écouter, on pourrait penser que tout ce travail visuel et musical est parfaitement spontané, plus raccord avec sa nature dans la vie, que le fruit d’un calcul artistique : “Je ne me suis jamais trop posé de questions dans ma manière de créer. J’ai exploré beaucoup de choses, et la musique est la première chose que j’ai exploré car il y a des musiciens dans ma famille. Mon oncle et mon cousin ont un groupe de rock progressif, et j’étais tout le temps chez eux. J’ai commencé à composer petite. Et puis j’ai beaucoup dessiné, fait de la photo numérique. Mon père est photographe et m’a appris les bases, Photoshop. Ensuite aux Beaux Arts, j’ai fait de la peinture. J’ai fini par faire de la performance, des installations, de la vidéo. J’ai mélangé tout ça. J’ai envie de tout faire et de tout contrôler. Mais finalement à la fin, ce qui m’est le plus naturel, la chose la plus pure, qui vient du cœur, c’est la musique. Et elle me permet de m’exprimer aussi en photo, en vidéo, en live. Je m’éclate. C’est le spectacle.”


Et le spectacle, Mathilde le fait bien, distillant sur scène ses partitions entre le macabre et la fantaisie, des accords de piano froids et une voix explosive : “Pour moi, le pire moment, c’est de parler au public en concert. Ce n’est pas que je n’aime pas les gens, au contraire, c’est que je ne sait pas quoi dire. Soit je fais des grosses blagues, soit je suis hyper froide. C’est le seul moment où je ne sais pas. Je pense qu’il faut garder un côté un peu glacé.” Comme les superstars qu’elle a adulé ? “Les artistes que j’admire, Madonna, Mylène Farmer, Marilyn Manson, ce sont des gens qui se transforment et qui savent se faire attendre. J’ai fait parfois l'erreur de vouloir faire vite au début avec cette pression de l’actualité. Il faut travailler son image, cultiver un peu plus de mystère. J’ai un public très fidèle, et donner petit à petit, ça leur va finalement.”

Ce qui est sûr, c’est que Mathilde leur donne une part d’elle-même plutôt généreuse, assez bigger than life, là où beaucoup d’artistes, par peur ou par égocentrisme, font une musique plus confidentielle, intime. “ A la fin des beaux arts, je voulais faire de la mise en scène d’Opéra, de spectacles. Mais au final, la musique, c’est partout, pas uniquement sur scène. Tu rentres dans la vie des gens, sans le savoir. Les gens qui connaissent bien ta musique et qui t’en parlent, c’est comme si tu les connaissais déjà. Il y a des gens qui viennent à tous mes concerts et c’est incroyable. On crée des relations d’amitié et de confiance. C’est hyper important.”


Finalement, on était intimidé au début, et on est reparti ravis, heureux d’avoir rencontré une artiste totale, aussi légère que vénéneuse, aussi diva que rigolote. On aimait sa musique, on l’aime tout court. Vivement la suite.


SOUS INFLUENCES DIVINES

“En musique, j’ai été très influencée par Mylène Farmer, Nina Hagen, Klaus Nomi, Marilyn Manson, Rammstein, Nine Inch Nails. Je suis une fan de rock industriel. J’aime le boum boum. Il faut que la basse prenne par en dessous. Et les rythmiques industrielles me font plus d’effet. Je les trouve plus profondes, plus glacées. J’écoute aussi beaucoup de techno, du gabber notamment. Ça me fascine. J’en parle moins, mais la liberté de Queen, ou de Polnareff, c’est du délire. C’est hyper ludique mais aussi très lyrique. Et j’aime les concept albums des Beatles. Tu sens qu’il y a du jeu. J’ai aussi beaucoup écouté Gainsbourg, Mc Solaar aussi, son morceau “Solaar Pleure”. Et puis l’Eurodance. Gala par exemple. Cette femme stricte, un peu froide. Ou Gigi D’Agostino, j’adore.

Je suis une fan de Terry Gilliam. J’adore “Le baron de Munchausen”, et plus récemment “Tideland”. C’est brillantissime. Il me fascine aussi car il ne lui est arrivé que des soucis, des échecs. “L’imaginarium du Docteur Parnassus” en est un parfait exemple avec la mort de Heath Ledger. Il en a fait une pirouette en proposant à différents acteurs de jouer le rôle. Et puis toutes les scènes sur fond vert qui sont un peu crades, mais je trouve que c’est brillant. J’aime aussi beaucoup “Black Moon” de Louis Malle. J’aime toute cette vague surréaliste de 1976. Ce film est extraordinaire, une sorte d’Alice au pays des merveilles super glauque et surréaliste. Et Fellini. “Satyricon”, “Casanova”...

En littérature, j’aime beaucoup “La religieuse” de Diderot qui est d’une modernité incroyable. C’est un des rares livres que j’ai lu plusieurs fois. Le côté mystique et déviant. Je lis beaucoup de biographies, des autobiographies. Récemment, j’ai lu celle de Viv Albertine des Slits.

Et je suis une inconditionnelle d’Isabelle Huppert. Je suis fan. On est des communautés fan d’Isabelle Huppert où on connaît ses pires répliques par coeur, notamment son grand passage dans “8 femmes” où elle est au top. ”

EP "Hyperstitions" disponible

En concert le 22 Juin à Paris, Festival Les enfants sauvages et le 29 juin au Rockstore à Montpellier.

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